Romano était étonnant de beauté. C'était un grand bohémien, fort et lascif, qui se déplaçait toujours avec une extrême lenteur en contemplant tout autour de lui d'un oeil mielleux et affamé. Il habitait une drôle de petite chaumière au beau milieu d'un tout petit verger et les gens du village l'avaient affectueusement surnommé : Romano des cidres. Ce magnifique brun aux yeux sombres ne partageait sa vie qu'avec trois chèvres, une douzaine de poules et deux énormes briards d'une fidélité exemplaire. Le temps semblait se diluer autour de lui sans jamais l'atteindre tant il n'avait pas changé en quinze ans. Car depuis quinze ans, chaque printemps amenait à la porte du beau gitan sa cargaison de jeunes hommes à dégrossir. On aurait pu dire que Romano des cidres jouait le rôle de l'instituteur des corps au village. Les pères du village, heureux d'initier leur fils sans qu'ils engrossent une fille de la localité, se faisaient un honneur de mener leurs fils nubiles pour les leçons d'amour que donnait gratuitement Romano. Et lorsque venait le temps pour ces jeunes loups de courir les bergeries à la recherche d'une femelle agréable, il était de bon ton de convenir que l'on avait étudié la chair à l'école de Romano. Sa réputation rayonnait bien au-delà des frontières du village quand Colin Boucheron décida que le moment était venu d'y conduire ses petits. Sa femme et lui avaient délibéré longtemps avant de conclure qu'il fallait envoyer les jumeaux ensemble ou ne pas les y envoyer du tout. Depuis leur plus tendre enfance, on ne les avait séparé sous aucun prétexte. Chaque pensée, chaque geste, chaque sentiment leur venait simultanément. Ils étaient les deux curs, les deux cerveaux, les deux corps d'une seule et même personne. Maintenant qu'ils avaient dix-huit ans, il devenait presque impossible de les contraindre à des expériences individuelles. Les parents Boucheron finirent par admettre qu'ils avaient eu tort de ne pas les séparer avant, et que, le mal étant fait, il n'y avait plus moyen d'y remédier. On pria pour que Romano puisse les convaincre des bienfaits de l'exclusivité en matière amoureuse. C'est aux alentours de midi, lorsque le soleil dardait le plus violemment sa chaleur, que Romano ouvrait ses volets rouges et jaunes pour s'accouder un instant au rebord de la fenêtre et découvrir en bas le festin quotidien. D'ordinaire, le candidat arrivé le premier devenait le dépucelé du jour. Les autres devaient revenir le lendemain en prenant grand soin de se lever plus tôt. Quand la saison était bien amorcée, il n'était pas rare de voir des jeunes gens se pointer le soir précédant la visite et passer la nuit sur le porche afin de se garantir la place du lendemain. Les jumeaux Boucheron, habitant à quelques kilomètres au sud de chez Romano avaient donc couché à la belle étoile afin de se prévaloir de la première place au réveil du beau romanichel. Aussi, lorsque Romano se pencha à sa fenêtre, ce jeudi là, il se frotta les yeux en pensant voir doublement le superbe jeune homme blond à sa porte. Mais il fut bien obligée de s'avouer qu'ils étaient deux, deux jolies bêtes à crinière dorée et emmêlée, deux splendides spécimens d'ardeur et de jeunesse. Romano déboula littéralement jusqu'au rez-de-chaussée tant la perspective de ce doublé l'excitait. C'était un précédent, une expérience inouïe ; Romano jubilait. Il sortit dans l'éclat du soleil et admira la prestance de ces deux jeunes innocences si généreusement offertes à ses soins. Ils souriaient, leurs dents éclatantes de blancheur, leurs lèvres roses et charnues. Dans leurs yeux malicieux, tout le bleu du ciel quand il est à la fête. Il leur prit la main et les fit entrer. Dehors, la chaleur s'intensifiait et l'on se trouvait plus à l'aise dans la moiteur fraîche de la salle de séjour. Romano leur servit des rafraîchissements après les avoir installé dans de confortables canapés. Il ne cessait de les contempler, noyé dans une sorte de langueur sensuelle qui le privait à la fois de mots et de mouvements. Séverin et Saturnin le regardaient aussi, délicieusement subjugués par la perfection de sa beauté, exaltés par l'idée d'abandonner à ce dieu les restes de leur enfance. Au bout d'un moment, comme Romano ne bougeait toujours pas et que la jeunesse a de ces impétuosités parfois, quand le désir la bouleverse, les jumeaux se firent un clin d'il complice et se levèrent brusquement. Romano ne comprit que lorsqu'il se retrouva plaqué contre le mur alors que les deux corps jumeaux se pressaient sur lui.
VENDREDI 3 AOûT 2007
Pour répondre à cette annonce et voir la vidéo, Veuillez indiquer :