Pour cause de mortalité dans ma famille, j'ai du faire un saut d'une semaine sur mon île natale : la Corse !!! Au moment où mon regard scrute l'immensité de l'océan, je songe à ma tante bien-aimée qui vient de rendre l'âme. Des larmes s'échappent et j'essuie mes joues ruisselantes alors que les soubresauts de la peine commencent à m'envahir. Debout face à la mer, je dissimule mes yeux rougis derrière mes mains et je pleure comme je ne l'ai jamais fait de toute ma vie. Je n'avais pas encore réalisé sa disparition mais c'est maintenant, en observant la mer tourmentée comme dans mon enfance lorsqu'elle m'accompagnait ici de longues heures, que je me rends compte qu'elle est vraiment morte. C'est un paysage féerique certes, mais aujourd'hui il me rend plus nostalgique que paisible. En mon âme et conscience, je sens sa présence, ici même, sur la grève où elle m'accompagnait si souvent. Chez mon oncle, (qui vient de perdre sa femme) l'ambiance est au deuil et tout le monde boit de la bière à grande gorgée. J'ai opté pour du vin rouge que je bois à part, assis près de la grande baie vitrée donnant sur la mer. J'ai le cafard, d'autant plus que mon amour de jeunesse est présent, debout à l'autre bout de la pièce à me fixer sans gêne comme si le moment n'était pas assez dur comme ça !!! Malgré la nostalgie qui m'envahit peu à peu, je ressens la nécessité de me blottir dans ses bras et de pleurer sur son épaule. Pourtant son regard d'une froideur insupportable, jubilant sans doute intérieurement de toute ma peine, me retient de toute démonstration d'affection. Je dois avouer que j'ai été celui qui lui a fait mal. En l'abandonnant ici, sans un au revoir, fuyant ainsi le grand vide que mon homosexualité me faisait ressentir jadis, je l'ai certainement tué de l'intérieur, à petit feu. Aujourd'hui pourtant, je me sens bien dans ma peau, et cela fait des années que je vis mon homosexualité avec fierté. Je me surprends même à espérer un rapprochement, une réconciliation qui, au fond de moi-même, m'apparaît presque possible. Après le repas, qui fut vibrant de nostalgie grâce au discours émouvant de mon oncle, je remarque mon ancienne flamme se diriger vers la porte de derrière. Malgré ma peur d'être rejeté, je décide de le suivre car je ne fais que penser à lui depuis que j'ai mis le pied sur l'île. Il se dirige vers l'écurie et sous les gros nuages obscurs qui parsèment le ciel noir de la fin novembre, la plaine aux hautes herbes me parait immense. Le vent soulève ses longs cheveux noirs et lorsqu'il se retourne vers moi, je peux apercevoir ses yeux aussi gris que le ciel ainsi que tout ce qui m'avait fait tomber amoureux de lui dans notre jeunesse. Loin de m'avoir déserté, mon amour pour lui n'a jamais cessé d'exister. Au contraire, tel une flamme, il s'est alimenté pour se transformer en véritable obsession. Mon ventre est parcouru par un fourmillement délicieusement tortueux et je suis guidé par ses pas et l'énergie qu'il dégage. Sans mot dire, il enfourche un cheval et pars au galop Je fais de même, avec un peu plus de difficulté (ça fait quand même 10 ans que je ne suis pas monté à cheval) et je me lance à sa poursuite. Après que la colline ait disparu derrière moi, je peux admirer la mer qui s'étend à perte de vue. Une silhouette vient de s'engouffrer dans la forêt qui domine la plage et je la suis, certain de pouvoir le rattraper. Nous galopons ainsi durant une bonne demi-heure et épuisé, je poursuis mon but qui est de passer un moment avec lui, même si ce moment est rempli de tourment. J'ai beau hurler son nom, il ne se retourne pas alors que je sais qu'il a conscience de ma présence. J'ai un pincement au c ur mais je continue tout de même, poussé par ce sentiment que l'on appelle amour. La forêt est plus dense en bordure de la plage que vers le nord où s'étend plusieurs pittoresques habitations de pierre datant du siècle dernier. Tout au fond des bois se trouve un tronçon de la plage qui n'est pas envahi par les arbres. Bouche bée devant une telle splendeur de la nature, je scrute les vagues qui viennent se briser sur la jetée. Il est descendu de son cheval et il est maintenant assis face à l'océan me laissant contempler
DIMANCHE 22 MARS 2015
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