«Mon Dieu, si jamais je découvre que je suis bel et bien homosexuel, je consacrerai ma vie pour vous et deviendrai prêtre ou religieux » Le brésilien Elton vivait dans la ville de Salvador-Brésil au milieu d´images nouvelles et une vie différente commença pour lui. Tous l'avaient gaiement accueilli avec sa séduction, sa joie et ses promesses. Alors s'amorça dans son existence la période la plus gaie, la plus facile. Déjà bien des générations d'élèves étaient passé au monastère, sous l´arbre, venant de pays lointains, leurs tablettes sous le bras, bavardant, riant et jouant, se querellant, pieds nus ou chaussés, selon la saison ; une fleur à la bouche, une noix entre les dents Toujours, il en arrivait d'autres. Au bout de quelques années, il n´y avait plus là que de nouvelles figures, qui, pour la plupart, se ressemblaient. Des blondinets aux cheveux bouclés. Certains restaient au cloître, devenaient novices, devenaient moines, recevaient la tonsure, portaient le froc et la corde. Ils lisaient des livres, enseignaient aux enfants, vieillissaient et mouraient. D'autres, une fois terminées leurs années d'études, étaient repris par leurs parents et rentraient à la maison. Des maisons de marchands et d'ouvriers. Ils s'en allaient ensuite de par le monde, s'adonnaient à leurs jeux, à leurs métiers et revenaient par hasard une fois de temps à autre au monastère. Devenus hommes, en amenant leurs fils à l'école des pères, ils levaient un moment vers le châtaignier leurs yeux souriants, tout plein de souvenirs et disparaissaient à nouveau. Dans les cellules et les salles du couvent, entre les arcs massifs des fenêtres et les robustes doubles colonnes de grès rose, des hommes vivaient, enseignaient, étudiaient, administraient, dirigeaient. Ici on cultivait les sciences et l'on s'adonnait à des activités diverses comme la religion et le profane, chaque génération transmettant à l'autre ses lumières et ses ombres. On écrivait des livres, on en commentait, on imaginait des systèmes, on recueillait des écrits de l'Antiquité, on peignait des enluminures, on entretenait les croyances populaires. Érudition et piété, naïveté et malice, sagesse des évangiles et sagesse hellénique, magie noire et magie blanche. Tout portait ici ses fruits, il y avait place pour tout. Pour la vie solitaire, pour la pénitence, pour la vie religieuse en société. Tout dépendait de la personnalité de l'abbé en fonction et des courants dominants du moment pour que l'une ou l'autre tendance prenne le dessus et l'emporte. À une certaine époque, ce qui faisait la réputation du monastère, ce qui y attirait les visiteurs, c'était les exorcismes contre toutes les figures changeantes du diable. À d'autres moments, c'était la magnifique musique. Parfois, c'était la sainteté d'un des pères qui faisait des cures et des miracles, parfois aussi les soupes de brochet et les pâtés de foie de cerf. Et toujours il se trouvait dans la troupe des moines et des élèves une piété ardente ou tiède. Parmi les ascètes et les gros bedons, une personnalité originale, quelqu'un que tous aimaient ou redoutaient, quelqu'un qui semblait élu, une figure dont il était question longtemps encore quand ses contemporains étaient oubliés. À l'époque dont je parle, il se trouvait au monastère de Salvador (Brésil) deux figures originales ; un vieillard et un jeune homme qui s'appelait Elton (Lê Grosson À cause de la taille de son membre). Tous connaissaient leur existence et tous tournaient leurs regards vers eux. Le jeune homme venait de commencer son noviciat et on l'employait déjà comme professeur en raison de ses dons exceptionnels en grec. On faisait grand cas de ce ces deux-là dans la maison. On les observait. Ils suscitaient la curiosité, l'admiration, l'envie. Mais on en médisait aussi en secret. Ceux, peu nombreux, qui à l'occasion souriaient un peu de la simplicité de l'abbé, étaient d´autant plus sous le charme d'Elton. L'enfant prodige, le beau jeune homme élégant, aux manières parfaitement chevaleresques, au regard de penseur tranquille et pénétrant, aux belles lèvres minces et sévères dans leur dessin. Les savants aimaient en lui sa connaissance merveilleuse du grec. Presque tout le monde appréciait la noblesse et la délicatesse de cet adonis et beaucoup en étaient entichés. Il était maître de lui. L'Abbé et le novice portaient, chacun à sa manière, son destin d'élu ; dominant à sa manière, souffrant à sa manière. Chacun des deux se sentait plus apparenté à l'autre, plus
DIMANCHE 2 SEPTEMBRE 2007
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